Je ne serai jamais un bon vendeur


Comme tout bon extraterrestre de banlieue, j'utilise une tondeuse sans moteur pour couper ce qu'il reste de gazon et je récupère l'eau de pluie pour arroser les autres plantes. Oh attention, il s'agit juste d'un baril placé sous une gouttière; rien de comparable avec  les systèmes de récupération d'eaux usées qui équipent de plus en plus les maisons européennes. 
Récemment, mon voisin me voyant tirer l'eau du baril m'a demandé quel bénéfice présentait un tel système. Pris de court par la question et aucun argument simple ne me venant à l'esprit, je me surpris à lui répondre: "Aucun."
Pour ma défense, je me dois de préciser qu'au Québec - je ne sais pas dans les autres provinces - l'eau municipale coule à volonté sans que les citoyens ne payent quoi que ce soit, en apparence. La réalité, c'est que nous ignorons le prix réel de l'eau, car les frais de fonctionnement et d'entretien des stations de pompage, de traitement des eaux, ainsi que du réseau d’aqueducs et d'égouts ne sont pas détaillés dans le compte de taxe municipale. Ceci a pour conséquence de rendre l'argument économique de la réduction de la facture d'eau, difficile à énoncer simplement et chiffres à l'appui.
Évidemment, j'aurais pu prétendre que mon système contribue à freiner l'augmentation des taxes en limitant à sa faible mesure l'utilisation des services municipaux, que ce ralentissement serait d'autant plus sensible que nous serions nombreux à limiter notre consommation d'eau. J'aurais pu aussi expliquer que le fait de dépendre de l'eau de pluie et d'avoir plus qu'un robinet à tourner pour l'obtenir fait prendre conscience que l'eau n'est pas une ressource inépuisable que l'on peut gaspiller à nettoyer son auto ou son entrée de garage.
J'aurais pu également avancer des arguments écologiques comme ceux de ne pas perdre de l'eau potable dans des usages qui n'en méritent pas, de réduire les risques d'inondation en limitant le ruissellement de l'eau de pluie, ou encore de ne pas assécher la nappe phréatique par un pompage excessif. 
Finalement, il faudrait peut-être que je retourne lui parler.

Une plante étrange venue d'ailleurs

Avec une hauteur atteignant facilement les deux mètres, une tige cylindrique bardée d'épines, des feuilles opposées soudées à leur base pour former une coupe qui retient l'eau de pluie, on peut dire que la cardère est une plante spectaculaire.
Au Québec, on trouve deux espèces, la "laciniée" (Dipsacus laciniatus, à feuilles divisées et à floraison blanche) et la Cardère à foulon (Dipsacus fullonum, à feuilles entières et à floraison lilas). Toutes les deux sont originaires d'Europe et se sont installées sur le continent américain. La plus ancienne preuve de naturalisation au Québec date de 1895 pour la Cardère à foulon et de 1930 pour la Cardère laciniée [Les plantes vasculaires exotiques naturalisées: Une nouvelle liste pour le Québec. Claude Lavoie, Annie Saint-Louis, Geneviève Guay et Elisabeth Groeneveld. Le Naturaliste Canadien 136:3, 6-32, 2012].
De nos jours, la cardère ne sert plus qu'à confectionner des bouquets de fleurs séchées, mais il n'en a pas toujours été ainsi. La plante nous a déjà été utile à un point tel qu'elle est entrée dans le vocabulaire. Ainsi, si aujourd'hui on carde la laine, c'est parce qu'autrefois on utilisait la tête de la Cardère à foulon pour séparer les fibres de laine avant de les filer. Plus tard, elle a été domestiquée et la Cardère cultivée (Dipsacus sativus) a longtemps travaillé dans les usines textiles.

Cardère laciniée
Cardère laciniée

Comme beaucoup d'autres, la modernisation des procédés l'a ensuite forcée au chômage et elle est tombée dans l'oubli. Pourtant récemment, des scientifiques l'ont replacé sous les feux de la rampe en découvrant ou en redécouvrant que sa racine contenait des substances bactéricides qui seraient efficaces contre Borrelia burgdorferi, la bactérie responsable de la maladie de Lyme.

Cardère laciniée
Cardère laciniée