Le secret de Fonrouge

Sur un plan de la ville de Longueuil, rien ne distingue le parc Fonrouge de ces espaces urbains artificiels, plantés d'espèces exotiques, de gazon, de carrés de sable et de mobiliers  récréatifs. Il faut aller chercher une vue satellite de l'endroit pour comprendre qu'il y a peut être quelque chose de plus à Fonrouge.

Cliquer sur les images pour les agrandir

La hauteur de vue - une perspective encore mal maitrisée par nos gouvernants - permet effectivement de constater que le parc Fonrouge s'inscrit dans un plus vaste ensemble naturel et boisé, qui porte aujourd'hui le nom de Boisé du Tremblay. Mais, pour vraiment comprendre l'importance de l'endroit, il faut redescendre au ras des pâquerettes et le parcourir à pied.
Comme toutes ces enclaves naturelles ignorées, ou même honnies, des partisans de l'asphalte et du gazon, il n'y a ni accès officiel, ni sentier. Une  bonne façon de l'aborder est par la rue Cuvillier (il y a un stationnement au 301, devant la maison de quartier). 


Après, il faut oser traverser la lisière et entrer dans cet autre monde pour ressentir la force du lieu. Si l'empreinte de l'homme avec son cortège de déchets est malheureusement visible dans les premiers mètres, on reste sur l'impression qu'ici, la nature n'a pas encore renoncée et que tout espoir est permis. D'ailleurs, après quelques mètres, c'est l'enchantement. 


On s'enfonce dans un sous-bois d'érables, de caryers et de charmes dont la taille témoigne de l'ancienneté du lieu. Quelques fossés de drainage, en grande partie comblés, et des talus de pierre rappellent que l'homme a déjà échoué dans sa tentative d'asservissement de Fonrouge. Ces vestiges sont les seuls rappels de la présence humaine, car, à ce point de la marche, rien de l'agitation et des bruits de la cité environnante ne perce. Il ne reste plus que le calme et le silence d'une forêt qui se prépare à l'hiver. Au printemps, il en va tout autrement, car le boisé Fonrouge est l'un des derniers refuges de la rainette faux-grillon et ceux qui ont osé s'y aventurer en cette saison racontent que leur chant est si puissant qu'il peut vous rendre sourd.      
La progression continue jusqu'à ce que s'amorce une légère déclivité. L'érablière à caryer laisse alors la place à une zone plus clairsemée peuplée de saules discolores. Quelques pas encore et Fonrouge livre enfin son secret. Au milieu de la forêt, soudain, le lac apparait, impressionnant par son incongruité et sa taille. Si vous l'abordez silencieusement, vous aurez peut-être la chance d'y surprendre des canards sauvages, des hérons ou quelques rapaces guettant leur proie du haut des arbres alentours.  

Lac du boisé Fonrouge

Malheureusement, le boisé Fonrouge et son lac sont menacés de disparition par le développement résidentiel. Le processus de colonisation est déjà en mouvement. Selon une mécanique bien rodée, on a isolé  le milieu par la construction d'un boulevard, canalisé et enfoui le ruisseau qui alimente le lac, installé de nouveaux résidents qui vont finir de le transformer en un terrain vague qu'il deviendra salutaire de bâtir. Plus tard, les pompes fonctionneront à plein régime pour évacuer l'eau des sous-sols, l'aqueduc explosera au printemps sous la pression des eaux de fonte qui gonflent le ruisseau, mais peu importe: les taxes rentreront, les primes d'assurance augmenteront et le commerce prospérera.
Heureusement, des gens qui ont à  cœur leur environnement et le bien-être collectif tentent de s'opposer aux promoteurs immobiliers et d'infléchir les décisions intéressées des élus. Je pense par exemple à Ciel et Terre (deux membres permanents et une poignée de bénévoles), un organisme qui se bat depuis des années pour la protection des milieux naturels de Longueuil. Ils accomplissent des miracles avec rien ou presque rien, dans l'indifférence quasi-générale; on leur doit entre autres un début de protection du Boisé du Tremblay.   Chapeau et merci à Tommy Montpetit et Aline Porciuncula de m'avoir fait découvrir le boisé Fonrouge !

Un monde inaperçu

Grâce à Étienne Plasse et à son équipe, le monde des amphibiens et reptiles du Québec se dévoilera en novembre prochain. En attendant, vous pouvez aller consulter 10 belles capsules vidéos sur des espèces menacées à l'adresse unmondeinapercu.com

Cap'taine Crapaud

Avec un peu de chance, vous le croiserez au parc du lac Témiscouata. Oh bien sûr, il y a des représentants de son espèce partout au Québec, mais ils ne sont pas aussi beaux que le Capitaine.
Bien que le crapaud d'Amérique ne sorte jamais sans son armure, cela ne l'empêche pas d'être au menu des couleuvres, des tortues et de certains poissons. Quelques mammifères et oiseaux s'en prennent à lui, mais évitent de le consommer, car ses glandes à venin le rendent indigeste.

Anaxyrus americanus americanus
Anaxyrus americanus americanus
Anaxyrus americanus americanus

L'expat fait du stop

Nous roulions sur la 295 à mi-chemin entre Trois-Pistoles et le parc national du Lac-Témiscouata, notre destination. La route était agréable; nous abordions une section fraîchement refaite. De part et d'autre de l'asphalte, la végétation ordinaire des accotements avait été effacée par un remblais de gravier tout neuf.
Mon attention fut attirée par une plante à fleurs bleues, buissonnante et grisâtre, qui résistait ou était déjà partie à la reconquête du désert. "Tiens, de la vipérine !" fut la première chose qui me vint en tête. À part en Europe d'où elle est originaire et où elle est commune, je ne l'avais vue qu'une fois de ce côté-ci de l'Atlantique; je crois bien que c'était au parc Thomas Chapais, à Montréal. Dans la flore Marie-Victorin, on peut lire qu'elle est occasionnelle au Québec. C'est bien le cas. 

Echium vulgare
Echium vulgare

Comme nous étions quand même 350 kilomètres plus au nord et dans les contreforts des Appalaches, il fallait que je m'arrête pour en avoir le cœur net. Avertissement, coup de frein, marche arrière, portes qui claquent et plus de doute, il n'y en pas deux comme elle avec ses grappes de fleurs unilatérales. Il parait qu'elle doit son nom à la forme de ses fruits qui rappellerait la tête d'un serpent; je n'ai jamais vérifié. Dans le temps, on l'utilisait contre les morsures de vipères, probablement en vertu de la Théorie des signatures. Aujourd'hui, elle est tombée en désuétude et c'est probablement mieux ainsi, car elle contient des alcaloïdes toxiques pour le foie.

Echium vulgare

À première vue, ces vipérines étaient venues par la route. Il n'y en avait que sur les nouveaux bas-cotés, nulle part ailleurs. Les graines amenées avec les graviers auront trouvé les conditions favorables pour germer. Je me demande si elles passeront l'hiver. Il faudra que nous revenions.   

Echium vulgare