Oka, au delà du calvaire.

Malgré sa proximité de Montréal, sa plage et son camping, le parc national d'Oka demeure un beau parc où il fait bon se promener en dehors des périodes d'affluence. Et après quelques années d'ostracisme, il était temps pour nous de retourner marcher sur le quai flottant de la grande baie. 


Une fois dans le parc, il suffit de s'enfoncer dans le bois et de suivre la pente pour trouver la baie. À l'ombre des érables, les fleurs ont cédé la place aux feuillages et les couleurs, aux formes. Mais si la trille, la sanguinaire et l'asaret se font plus discrets, ils n'en sont pas moins actifs. Ces trois-là semblent en effet comploter de l'ombre pour empêcher les jeunes érables rouges d'atteindre les sommets dus à leur rang. Peine perdue !


Étrangers à ces querelles végétales plus que millénaires, nous passons notre route. Une éclaircie au bout du chemin nous indique la proximité du but et notre attention se porte ailleurs. 


Ici, le partage entre la terre et les eaux est encore source de pourparlers. Je ne serais pas surpris qu'à l'argument des alluvions avancé par les collines d'Oka, le lac des deux montagnes oppose celui des crues printanières. En attendant, le tamia rayé, l'onoclée sensible, la renouée amphibie et l'iris faux-acore profitent de l'hésitation pour occuper le terrain.


Plus loin, la question ne se pose plus. C'est le domaine de l'eau où seuls quelques îlots de quenouille sont tolérés. Ils servent d'abri à d'étranges oiseaux invisibles dont le nom trahit l'allégeance. Bruant des marais et troglodytes du même nom se sont partagés les lieux et chantent les frontières de leur fief respectif à qui veut bien les entendre. 



Le bout du quai n'est plus loin, mais impossible de s'y rendre; une sterne pierregarrin s'y est perchée. Pourquoi la déranger ? Nous rebroussons alors chemin, satisfaits de constater que la grande baie n'a pas changé et décidons de prolonger le plaisir à travers bois vers le lac de la sauvagine.


Ladona julia la libellule nous accompagne jusqu'au premier chant d'oiseau, celui de l'infatigable viréo aux yeux rouges qui n'arrête jamais de se signaler - here-i-am, in-the-tree, look-up, at-the-top - mais qu'on ne voit presque jamais.


Plus loin, c'est au tour de la paruline couronnée de nous pousser son tipié, tipié, tipié, tipié caractéristique. Nous nous arrêtons aussi pour regarder passer le iule (Narceus americanus). Prochain arrêt, le lac où nous aurons le plaisir de découvrir de la comptonie voyageuse, une plante plutôt rare dans le sud du Québec.

Parc d'Oka: un long calvaire

Auparavant, entrer dans le parc d'Oka (Québec, Canada) par la porte de derrière ressemblait à quelque chose comme ça...une borne d’auto-perception des frais d'entrée et une voie partagée entre piétons et cyclistes menant jusqu'à une érablière avec, au bout du chemin, les rives du lac des Deux-Montagnes, un élargissement de la rivière des Outaouais.
Aujourd'hui, l'accueil ressemble toujours à ça, mais il a été repoussé une trentaine de mètres plus loin. Dans l'intervalle, la compagnie "Gazoduc Trans Québec & Maritimes" a aménagé le paysage à sa façon. Travaux de réfection ou conversion du gazoduc en oléoduc, les informations sont difficiles à trouver. Toujours est-il que la végétation a été remplacée par de la terre battue et des gravats. On se consolera en se disant que ça va repousser. Il y aura même probablement des biologistes pour vous expliquer, chiffres à l'appui, que la biodiversité va s'enrichir d'espèces colonisatrices et des milieux ouverts. Mais qu'est ce qui est le plus important ? Ajouter quelques espèces communes des friches à la liste locale ou faire disparaître de la liste mondiale, la seule espèce qui vivait là. À Oka, on espère que la question ne se posait pas.


Une chose est sure en revanche, c'est que la question de la conservation du paysage et du rôle que doit jouer un parc naturel a été rapidement tranchée. Il est vrai que le gazoduc et l'oléoduc traversaient le parc avant sa création, mais fallait-il pérenniser l'entorse au règlement qui interdit justement toute usage des parcs à ces fins.



Pour ceux qui connaissent Oka, l'oléoduc passe quelque part entre la route des collines qui traverse le parc et la Grande baie (voir la carte plus bas). Il peut paraitre incroyable qu'un oléoduc soit enterré depuis 1952 dans un milieu protégé abritant plusieurs espèces vulnérables, à quelques mètres d'une baie. Mais quand on pense que ce même pipeline traverse la rivière des Outaouais, une dizaine de kilomètres en amont de Montréal, Laval et Longueuil (environ 2 millions d'habitants), on se dit que tout est possible.

Tiré du rapport d'enquête et d'audience publique du BAPE (novembre 2004) disponible ici

Le projet de la compagnie Pipeline Trans-Nord d'augmenter la capacité de transport de son oléoduc et de condamner cette ancienne portion pourrait même être envisagé avec un certain soulagement si on perdait de vue que le nouveau tronçon, plus important, passera juste un peu plus haut.

Tiré du rapport d'enquête et d'audience publique du BAPE (novembre 2004) disponible ici

Mieux vaut tard que jamais


Hier, nous avons reçu cette jolie carte du Ministère de l'environnement du Canada. Au verso, on peut y lire qu'en tant que voisins de la Rainette faux-grillon de l'ouest (une toute petite grenouille en danger au Québec, une de plus), nous pouvons donner notre avis sur le plan de conservation de ladite grenouille.
Excellent ! Je vais aller le lire (http://www.registrelep.gc.ca/virtual_sara/files/plans/rs_rainette-fx-grillon-ouest-w-chorus-frog-prop-0614_f.pdf) et probablement le commenter. Je me demande combien de résidents du quartier vont le faire et surtout, si cela va les inciter à enlever les pneus, les vieux seaux, les pots de plastique vestiges des générations d'annuelles sacrifiées à l'autel d'un esthétisme parfois douteux, les sacs plastiques de terreau, et autre cochonneries indégradables qui jonchent les arrière-cours jouxtant le boisé.
Évidemment, j'ai été ravi de constater que le combat entrepris par Tommy Montpetit, et récupéré au passage par les élus municipaux, remporte quelques victoires. Malheureusement, j'ai bien peur que le plan de conservation arrive un peu tard dans notre portion du territoire de la rainette. Cela fait en effet 3 ans que je ne l'entend plus chanter au printemps. "Presbyacousie" diront certains; moi je reste persuadé que l'épandage régulier de BT dans les mares du bois pour tenter vainement d'éliminer les moustiques n'est pas étranger à cette disparition (en tout cas, ça coïncide); moins de larves de moustiques et autres diptères, moins de nourriture. Que voulez-vous ? On rêve de nature et de tranquillité en regardant les beaux paysages à la télé, on dénonce tous ces étrangers qui l'abîment, mais dès qu'on habite à proximité, on s'empresse de couper les arbres, de planter du gazon, d'arroser de pesticides et de faire tourner la tondeuse, le coupe-bordure, la pompe de la piscine, le climatiseur, et autres "trouble-paix".    

Paruline jaune, Dendroica petechia, Yellow warbler


C'est peut-être la paruline la plus abondante dans la région de Montréal. Si vous ne l'avez pas encore vue, vous l'avez sûrement entendue: swee swee swee ti ti ti swee pour s'en rappeler en anglais, huit huit huit pantalon huit, en français. Elle fréquente les milieux arbustifs, de préférence à proximité d'un point d'eau.