Le scarabée japonais

Introduit par accident en 1916 aux États-Unis, Popillia japonica a fait son entrée officielle au Canada en passant les douanes de Nouvelle-Écosse en 1939 . Depuis, rien ne l'arrête et si je l'avais reconnu plus tôt, il aurait rejoint quelques autres envahisseurs dans le congélateur.
Le Canada et les USA lui font la guerre pour deux raisons: (1) les larves adorent les racines de légumineuses et de gazon (ce qui en soi m'inciterait plutôt à en faire l'élevage), (2) les adultes dévorent à peu près tout ce qui ressemble à une feuille, de l'herbe à l'arbre. Là, on n'est plus d'accord.
Heureusement, après renseignement sur son cycle de vie, son contrôle (pas son éradication) ne semble pas impossible: une seule génération par année, environ 5 œufs par femelle. Il n'y aura qu'à appliquer la loi du talon. 

  

D'Achille à l'achillée


L'Achillée millefeuille (Achillea millefolium) doit son nom au héros grec Achille qui s'en servit pour soigner les blessures qu'il avait infligées à Télèphe lors du siège de la ville de Troie.
La question est de savoir qui a identifié l'achillée millefeuille comme étant la plante médicinale utilisée dans le récit mythologique.
La seule référence vient de Pline l'Ancien, un auteur et naturaliste romain né à Côme ou à Vérone (Italie) en 23 après JC, ou de notre ère pour les agnostiques. Il ne nous reste de ses écrits qu'une encyclopédie des sciences naturelles en 37 volumes (quand même), intitulée Naturalis Historia, dans laquelle il a compilé toutes les connaissances de son temps en matière de sciences, de philosophie, de littérature, d'art et d'autres choses que se doit de connaître un érudit, n'hésitant pas à se référer à la mythologie grecque. Les tomes XII à XXVII (les chiffres romains s'imposent d'eux-mêmes) traitent de botanique. Au chapitre "XIX: De l'achillés sidéritis ou mille-feuille, ou panax héracleon, ou scopa regia, VI" du tome "XXV: Traitant de la nature des herbes qui croissent spontanément, et de l'importance qu'elles ont.", on peut constater dans la traduction disponible ici et reproduite ci-dessous que l'auteur lui-même hésite sur la véritable nature du remède.
Achille, élève de Chiron, a aussi découvert une plante qui guérit les blessures, appelée pour cela achilléos (achillea tomentosa; achillea millefolium; achillea magna). C'est avec cette plante qu'il guérit, dit-on, Télèphe. D'autres prétendent qu'il trouva le premier dans la rouille (XXXIV, 45) un ingrédient très utile dans les emplâtres; aussi le représente-t-on faisant tomber avec son épée la rouille d'une lance dans la plaie de Télèphe. D'autres veulent qu'il ait employé à la fois les deux remèdes. Quelques-uns nomment cette plante panacée héracléon, d'autres sidéritis, et ils en font chez nous la mille-feuille (XXIV, 95) : ils disent qu'elle a une tige d'une coudée, et est rameuse, et couverte dès le bas de feuilles plus petites que celles du fenouil. D'autres, tout en convenant que cette dernière plante est bonne pour les plaies, affirment que la vraie achilléos a une tige bleuâtre, haute d'un pied, sans branches, et garnie élégamment de tous côtés de feuilles rondes isolées.
[2] D'autres lui attribuent une tige carrée, les sommités du marrube, et la feuille du chêne; ils prétendent aussi que cette plante cicatrise les nerfs coupés. D'autres disent que la sidéritis (XXV, 15) croît dans les décombres,et exhale quand on la broie une odeur fétide; et qu'il y en a encore une autre semblable à cette dernière, mais à feuilles plus blanches et plus grasses, à tiges plus menues, et croissant dans. les vignobles; qu'enfin une troisième espèce est haute de deux coudées, a, des rameaux grêles, triangulaires, la feuille de la fougère, avec un long pétiole et la graine de la bette, et que toutes sont excellentes pour les plaies. Les Latins nomment scopa regia (XXI 15) celle qui a la feuille la plus large (chenopodium scoparia, L.); elle guérit l'angine des pourceaux.





Trèfles

Au moins 10 espèces de trèfles au Québec et pas une qui soit indigène. Toutes sont eurasiennes et ont été apportées par les colons européens. Si les ex-légumineuses néo-fabacées ont contribué au succès de la colonisation en nourrissant le bétail, on ne peut pas dire qu'elles aient porté bonheur aux amérindiens.
Mais passons à un autre sujet, moins conflictuel.

Trifolium hybridum

Peu de vaches le savent, mais les légumineuses n'aiment pas être broutées. Ne pouvant fuire les herbivores, elles ont décidé de s'attaquer à la racine du mal (ou plutôt de la femelle) et ont développé, bien avant l'humain, le contraceptif oral. Pour contrôler les effectifs de leur ennemi, elles se sont mises à synthétiser des isoflavones. Ce sont des molécules qui ressemblent tellement aux oestrogènes des mammifères qu'on les a appelées phytoestrogènes. Je vous passe les détails physiologiques mais pertuber l'équilibre hormonal nuit à la reproduction. Les australiens l'ont découvert à leur dépens quand leurs brebis gavées de trèfle sont devenues stériles.
Je tiens quand même à apporter ici quelques précisions pour le lecteur qui prendrait ce qui est écrit au pied de la lettre et qui aurait regardé le documentaire de la BBC sur les plantes, diffusé récemment sur "Découverte"  et dans lequel Charles Tisseyre semble prêter aux plantes une intelligence parfois inquiétante. Non, le règne végétal n'a d'intentions que celles que nous lui prêtons Et, toute cette histoire, aussi véridique soit-elle, n'est que le fruit du hasard (mutation génétique) et de la sélection naturelle. N'en déplaise à Stephen Harper, notre premier ministre créationniste et à Charles, chantre du sensationalisme.  
Trifolium repens

Constatant les effets de l'excès de trèfle sur les moutons australiens, la science a voulu comprendre. Elle s'est alors penchée sur les légumineuses et les découvertes se sont enchaînées (quand on cherche ou quand on veut trouver, on trouve). Ainsi, on s'est aperçu que les gros mangeurs de soya, une autre légumineuse, étaient moins sujets aux maladies hormonodépendantes (troubles de la ménopause, ostéoporose, cancer du sein, de l'utérus et même de la prostate) que les petits mangeurs.   
Ici, je tiens une fois de plus à apporter une précision pour les 34 % de canadiens qui pensent que les femmes peuvent être victimes du cancer de la prostate. La prostate est un organe uniquement masculin et si les femmes en souffrent, c'est uniquement parce que leur mari les réveille la nuit en allant soulager leur vessie.
Trifolium pratense

Comme d'habitude, les marchands de rêve sautèrent sur cette occasion en or et le marché des suppléments de phytoestrogènes explosa.
Attention, je ne prétends pas que ces produits n'ont pas d'effets. Ils en ont (il faut d'ailleurs faire attention), mais pas autant qu'on tente de nous le vendre.  
Trifolium aureum

Longicorne noir, Monochamus scutellatus, White-spotted Sawyer

L'industrie forestière n'aime pas trop ce coléoptère des forêts du nord de l'Amérique, car après un incendie, il arrive souvent le premier. Attiré par l'odeur des produits de combustion, il pond ses œufs dans l'écorce d'un conifère à l'agonie. Les larves creusent ensuite des galeries dans le tronc en se nourrissant du bois, ce qui le rend inexploitable. Pourtant, contrairement à l'industrie, ce xylophage ne s'en prend qu'au bois mort qu'il contribue à recycler en humus.   






Solanacées

Que serait-on sans les solanacées ? Cette famille de plantes nous approvisionne en légumes (tomate, pomme de terre, aubergine, poivron, tomatille), en fruits (alkékenge, tamarillo, pepino), en plantes ornementales (petunia, belles-de-nuit) et selon l'usage et la dose, en drogues, poisons et médicaments (belladone, morelle, brugmansia, datura, jusquiame, mandragore, tabac)
Avec 2700 espèces de plantes herbacées, d'arbustes, d'arbres et de lianes, elles occupent toute la planète à l'exception des régions trop froides, trop chaudes ou trop sèches.

Pomme de terre - Solanum tuberosum
Tomate - Solanum lycopersicum
Morelle noire - Solanum nigrum
Morelle douce-amère - Solanum dulcamara





Un tour du jardin ?

Jardin de fardoches pour les sociétés d'horticulture, jungle pour les adorateurs de gazon, nous y vivons heureux, cachés de nos congénères et entourés d'intelligences que certains cherchent sur d'autres planètes.

Amiral, Limenitis arthemis, White admiral


Certains papillons ne se nourrissent pas que de nectar. L'amiral, insecte emblème du Québec, ne déteste pas les excréments de mammifères de temps à autre.

Kalmia à feuilles étroites, Kalmia angustifolia, Lambkill


Le laurier des moutons est une éricacée abondante au Québec, dans les lieux ouverts au sol acide comme les tourbières.
Cet arbuste a développé un mécanisme particulier pour disséminer son pollen. En regardant attentivement la fleur épanouie ci-dessous, on constate que certaines étamines sont pliées dans leur milieu. En y regardant d'encore plus près, on remarque que leur anthère - l'extrémité renflée qui produit le pollen - est coincée dans des loges de la corolle. Elles resteront ainsi jusqu'à ce que le pollen soit mûr. Elles se libéreront alors des loges en s'ouvrant, se déplieront et projetteront le pollen dans les airs à la manière d'une catapulte



Viornes

"Viorne" - ça na sonne pas bien à l'oreille - viendrait du latin "vieo" qui signifie lier ou tisser, car on utilisait les rameaux de certaines espèces en guise d'attaches. Jusqu'à récemment, les viornes étaient classées dans la famille des chèvrefeuilles (les caprifoliacées); aujourd'hui ce sont des adoxacées. Cette nouvelle famille porte le nom de l'Adoxa moschatellina, la seule espèce du genre et la première à avoir été reniée par la famille des caprifoliacées.

Viorne à feuilles d'Aulne

150, 200, on ne sait pas trop combien il y a d'espèces de viornes dans le monde, mais au Québec, il y en a au moins 7. Leurs inflorescences blanches, étalées à l'extrémité des rameaux, ne passent pas inaperçues. En y regardant de plus près, on peut voir que certaines espèces possèdent des fleurs toutes identiques et que d'autres ont une couronne de fleurs plus grosses à l'extérieur de l'inflorescence. Dans le dernier cas, il s'agit de la viorne à feuilles d'Aulne ou de la viorne trilobée (Pimbina). Pour les distinguer, on regarde les feuilles. Si elles ont la forme de feuilles d'Aulne, c'est une... et si elles sont trilobées, c'est une.... Les baies rouges du pimbina sont comestibles. Après un coup de gel, elles deviennent molles, translucides et meilleures à manger.

Viorne trilobée
Viorne trilobée
Pour l'identification des cinq autres, je vous renvoie à la flore laurentiennem, mais sachez que des fleurs toutes identiques et des feuilles trilobées appartiennent à la viorne comestible (fruits rouges) ou à celles à feuilles d'Érable (fruits noirs), tandis que des feuilles simples et dentées peuvent appartenir à la viorne de Rafinesque, la cassinoïde ou la lentago. Les feuilles de la Rafinesque sont veloutées en dessous, les fleurs de la cassinoïdes sont pédonculées, la lentago ne possède aucun de ces caractères.

Viorne cassinoïde           
Viorne cassinoïde

Cladonia...genre


Il y a plus de 400 espèces de lichens qui rêvent de devenir des arbres. Pour les traiter, on les a regroupés dans le genre Cladonia, du grec "klados" se traduisant par "rameau". Dominés par leur pulsion, ils se dressent et se ramifient jusqu'à donner parfois des masses impressionnantes...pour un lichen, s'entend. Seul l'instinct de conservation les ramène de temps en temps à la réalité et peut les stopper dans leur croissance. Le podetium - c'est ainsi qu'on appelle l'organe végétatif verdâtre du lichen qui n'est ni une tige, ni une feuille, ni une racine) - donne alors une apothécie colorée (rouge, jaune ou brune selon les espèces) qui produira les spores.      

Cypripède acaule, Cypripedium acaule, Stemless Lady's Slipper


Dans la flore laurentienne, on peut lire que le labelle, ce pétale hypertrophié qui a la forme d'un sac dans cette orchidée, attire les abeilles qui ne sont insensibles ni à sa couleur, ni à sa taille. Elles pénètrent par la fente longitudinale à la recherche de nectar, mais, comme les bords recourbés vers l'intérieur empêchent la sortie par le même chemin, elles n'ont pas d'autre choix que de se glisser par l'ouverture au sommet du labelle. Ce faisant, elles se collent un sac à pollen (pollinie) et vont féconder un autre sabot de la Vierge selon le même principe.



Linnée boréale, Linnaea borealis, Twinflower


Cette petite rampante circumboréale porte le nom du naturaliste suédois Carl von Linné, le père de la nomenclature binomiale, qui l'aimait beaucoup et se faisait tirer le portrait avec. Cet hommage fut rendu du vivant de Carl par le botaniste néerlandais Jan Frederik Gronovius. 


Dicentre à capuchon, Dicentra cucullaria, Dutchman's Breeches


Le nom anglais des "choses" naturelles est souvent plus descriptif que le français et la "culotte de hollandais" prend toute sa signification ici.  

Streptope rose, Streptopus lanceolatus, Rose Mandarin



Le regard trop haut placé ne perçoit que sa tige en zigzag; et encore. Mais, quand on se met à sa hauteur, le spectacle prend forcément une autre dimension. Commune dans les bois du Québec, ses baies sont comestibles, mais n'ont, parait-il, aucun goût.  

Printemps


Les couleurs de l'automne attirent les foules, mais celles du printemps ne sont pas dénuées de charme.

Vérâtre vert, Veratrum viride, Indian Poke

Au printemps, dans l'éclaircie d'une forêt traversée par un ruisseau, on ne peut ignorer l'incongruité du tabac du diable: ce vert aussi éclatant que soudain, cette vigueur que rien ne semble pouvoir freiner.
Le vérâtre mérite son surnom car il contient de la vératrine, un alcaloïde hypotenseur et bradycardisant (qui ralentit le rythme cardiaque). Il a déjà été utilisé par les médecins d'antan, mais comme il entraînait autant de décès que de guérisons, l'usage a été abandonné.
Quand elle est ingérée, cette plante sympathique, voire parasympathique, vous prévient avant de vous tuer. Elle provoque d'abord des brûlures d'estomac et des vomissements qui permettent d'éliminer la substance toxique. S'il en reste assez, les symptômes de l'intoxication sont des vertiges, de la difficulté à respirer. La tension artérielle diminue et le cœur ralentit jusqu'à s'arrêter. Il y a un contre-poison, l'atropine, un alcaloïde extrait de solanacées (belladone, jusquiaume, datura).